Modèles de self-regulation ou auto-régulation et santé
Depuis une quinzaine d'année les études en psychologie de la santé s'intéressent de plus en plus aux processus mis en place lorsque la maladie apparaît. La problématique générale étant « quels processus sont associés à un meilleur ajustement à la maladie, un meilleur respect du traitement médical, à une meilleure qualité de vie du patient ».
Les modèles de self-régulation font une différenciation entre les contenus et les processus. Ces modèles envisagent la personne atteinte de maladie chronique comme une personne qui doit résoudre un problème et qui essaie de donner du sens à son expérience somatique, activant et évaluant les effets de ses actions et décrivant comment les efforts qu'elle fournit donnent un sens à son histoire avec la maladie. Ainsi les modèles de la self-regulation sont dynamiques et orientés encore plus vers la compréhension des processus (Carver et coll. 1998), ils requièrent une compréhension détaillée des émotions et des expériences affectives associées à la maladie. Par exemple, une maladie chronique comme le diabète n'est pas une entité fixe, c'est un trouble complexe avec une évolution constante entraînant des changements dans les processus d'autorégulation. Les modèles de self-régulation complètent le modèle biomédical par la description des perceptions des patients et des processus cognitifs et émotionnels associés à la maladie. Cela fournit à l'équipe médicale un ensemble de concepts afin de comprendre l'expérience du patient et les comportements qui y sont associés, ceci à travers la perspective du patient et non à travers la perspective de l'équipe soignante.
Conformément aux modèles de self-régulation, le Modèle du Sens Commun proposé par Leventhal, Zimmerman et Gutmann (1984) comporte 4 processus :
les représentations cognitives liées à la maladie,
les réponses émotionnelles liées à la maladie et au traitement,
les stratégies de coping découlant des représentations et
l'évaluation effectuée par la personne quant au résultat de ses stratégies de coping. Dans la réalité, des personnes souffrant d'une même maladie chronique voient émerger un certain nombre de problèmes de santé, mais ces problèmes peuvent varier largement en fonction de chacune d'elles. Les patients, en essayant de comprendre leurs symptômes et leur maladie, se créent des représentations cognitives ou « perceptions de la maladie » qui leur sont propres. Les patients, à travers ces perceptions, donnent du sens aux symptômes, de la cohérence à leur maladie et en fonction de tous ces éléments, déterminent leurs actions (Weinman et Figueiras, 2002).
La représentation de la maladie est construite individuellement à partir de trois sources d'information de base (Leventhal et coll., 1984) ; La première source d'information est le fond commun de renseignements profanes assimilés précédemment par la personne à travers ses communications sociales antérieures et ses connaissances de la maladie liées à son appartenance culturelle. La seconde source d'information provient de ressources perçues comme faisant autorité dans le domaine telles que le médecin ou les parents. Enfin, la troisième source d'information vient de sa propre expérience en tant que malade, de son vécu des troubles somatiques et des symptômes mais également à la recherche dans sa mémoire d'indications abstraites liant ces symptômes avec des diagnostics possibles. Finalement, c'est la perception et l'interprétation des différentes sources d'information qui mènent à la construction de la représentation de la maladie à travers des processus symétriques (Leventhal, Brissette et Leventhal, 2003).
Le malade se construit une représentation de sa maladie qui s'ordonne selon différentes dimensions :
l'identité de la menace correspond au nom ou à l'étiquette donnée par le patient (par exemple : l'asthme) et à la connaissance des symptômes associés (toux, respiration sifflante),
l'évolution dans le temps ou durée représente la croyance du patient quant à la durée probable de sa maladie (crise aiguë, état chronique ou épisodique),
les causes correspondent aux croyances qu'a la personne quant aux facteurs responsables de sa maladie ; en d'autres termes, quelles sont les idées personnelles du patient quant à l'étiologie de sa maladie. Différents types de causes ont été identifiées : les causes biologiques telles que les germes et les virus, ou environnementales comme la pollution; les causes émotionnelles telles que le stress et la dépression; les causes psychologiques telles que la personnalité, le surmenage (Moss-Morris, Weinman, Petrie, Horne, Cameron, et Buick, 2002),
les conséquences (réelles ou imaginaires) de la maladie dans la vie d'un individu renvoient aux croyances concernant la sévérité de la maladie et son impact sur sa qualité de vie ou ses capacités fonctionnelles (fonctionnement physique, social et psychologique),
la guérison/le contrôle estime la croyance du patient dans la possibilité, de réaliser les comportements d'ajustement le faisant progresser sur le chemin de la « guérison », ou, de contrôler la maladie grâce à l'efficacité du traitement,
les émotions liées au vécu de la maladie. Ainsi, la représentation de la maladie ne comprend pas seulement les dimensions cognitives soulignées précédemment, mais également les représentations émotionnelles (Moss-Morris et coll., 2002). Ces représentations sont dépendantes du vécu du patient et peuvent changer avec la progression de la maladie, les symptômes qui apparaissent et la réponse au traitement. Dans une méta-analyse de 45 études adoptant le modèle du Sens Commun des représentations de la maladie comme cadre théorique, Haager et Orbell (2003) observent que les croyances sur les conséquences de la maladie, la durée et l'évolution dans le temps de celle-ci sont significativement liés avec la vitalité, le bien-être psychologique et le fonctionnement social du patient.
Les modèles de self-regulation tentent de comprendre les facteurs prédictifs d'un changement effectif de comportement et pas simplement d'intentions. Ils étudient les processus en œuvre dans l'évolution des cognitions et des émotions associées au changement (Maes et Karoly, 2005).