Place de la sociologie en santé publique
Les sciences sociales, la sociologie en particulier, ont désormais une place dans le champ de la santé publique. Il ne s'agit pas seulement du champ de recherche et d'étude développé par la sociologie de la santé et de la maladie mais bien de la sociologie en général en ce qu'elle applique l'ensemble de ses savoirs fondamentaux, à la compréhension des états de santé et de maladie. Pour Cardia-Vonèche et Bastard [1] , « considérer les actions de santé publique du point de vue des sciences sociales consiste à réfléchir sur leur sens, sur les conditions de leur succès ou de leur échec, ainsi que sur leurs conséquences voulues ou non » (p.157).
Les sciences sociales tiennent leur place en santé publique à différents moments de l'intervention de santé publique.
Avant l'intervention, pour une compréhension sociale du besoin ou de la demande de santé. La sociologie étudie les facteurs et processus sociaux jouant un rôle dans l'apparition des maladies ou de la mauvaise santé, et pouvant accélérer ou ralentir leur évolution : pratiques et comportements, croyances et valeurs, représentations... en lien avec des facteurs socio-économiques tels que les catégories socioprofessionnelles, les facteurs socioculturels (religion, éducation...), les facteurs sociodémographiques (genre, génération, parcours de vie...), les facteurs sociopolitiques (protection sociale...). La sociologie va complexifier l'explication d'un état de santé en faisant intervenir l'ensemble des facteurs sociaux susceptibles d'influencer l'état observé. L'analyse conceptuelle de la sociologie permet l'examen de l'ensemble de ces facteurs.
Pendant l'intervention, pour décrire et comprendre les mécanismes sociaux à l'œuvre dans l'action (acteurs, lieux, contextes de mise en place de l'action...). Une intervention de santé publique ne va pas de soi. A l'instar d'une relation de soins, les acteurs en présence développent des stratégies, négocient des positionnements, ont recours à leurs réseaux sociaux ou professionnels, mobilisent des compétences éducatives mais également sociales ou acquises par l'expérience... Les sociologues dévoilent ces mécanismes à l'œuvre et leur impact sur le bon ou mauvais déroulement d'une intervention. L'enjeu est d'étudier à la fois le cadre de l'intervention mais aussi le « hors cadre », et d'en identifier l'impact.
Après l'intervention, afin d'étudier les impacts et conséquences d'une action, notamment du point de vue des populations concernées. Alors que toute intervention en santé publique est aujourd'hui évaluée, le regard sociologique va porter son regard non pas sur les résultats de santé, mais sur les conséquences sociales de l'action : la sociologie peut ainsi interroger les perceptions des populations sur l'action qui les concerne, les connaissances – acquises ou pas –, le renforcement ou non de l'autonomie des individus, la réception sociale de l'action qui peut être acceptée, contestée ou simplement ignorée, etc. Ces éléments peuvent être contributifs pour le promoteur de l'action.
Quel que soit le moment où la sociologie pose son regard – avant, pendant, après – elle le fera toujours dans une perspective critique. S'il s'agit dans un premier temps de dévoiler des mécanismes sociaux d'une situation de santé, il s'agit aussi de faire prendre conscience aux intervenants de leurs actions et de les amener à réfléchir sur les présupposés de l'intervention et son contexte non sanitaire.
L'étude sociologique des états de santé ne se fait bien sûr pas indépendamment des études épidémiologiques, environnementales ou médicales des états de santé – mais en collaboration. Elle ne propose pas des modèles explicatifs exhaustifs mais complémentaires. Dans le champ de la santé, la sociologie va notamment travailler avec la psychologie. C'est dans cette perspective interdisciplinaire que la sociologie peut contribuer à l'élaboration, la conduite et l'évaluation des programmes d'intervention en santé publique.
Exemple : Exemple : Contribution de la sociologie à l'éducation thérapeutique du patient
Face aux professionnels, acteurs, décideurs de santé publique, que peut proposer la sociologie ?
En amont, la sociologie va aider à cerner la demande et/ou le besoin, à la fois autour de la maladie chronique concernée par l'ETP (dans le cas d'enfants asthmatiques, quels problèmes peuvent être rencontrés au quotidien par le malades, leurs familles, leurs proches ? Quelles sont les difficultés sociales rencontrées ?) et autour d'un dispositif de prise en charge (Comment se sont mises en place les séances d'ETP ? Dans quels cadres et contraintes organisationnelles ? Quelles sont les motivations initiales, qu'elles soient médicales ou d'autre ordre, pour le développement de l'ETP ?). Le regard sociologique va d'une part contribuer à une meilleure compréhension du problème de santé au-delà de sa seule caractérisation médicale, et d'autre part, éclairer les acteurs sur leurs décisions et positionnements.
Pendant l'intervention, l'enjeu est de décrire et d'expliquer ce qui se passe lors d'une séance d'ETP : acteurs en présence, échanges, réactions, perceptions, gestuelles... Un travail d'observation mais également d'entretien permet de mettre à jour les motivations des acteurs dans le cadre de la séance d'ETP et au-delà, ce qui se passe en-dehors de la séance pouvant déterminer son bon ou mauvais déroulement.
Après l'intervention, la sociologie peut mettre en place une évaluation qualitative du dispositif. Il ne s'agit pas seulement de mesurer l'atteinte d'un objectif de santé mais d'étudier l'apport de séances d'ETP dans un cadre non médical en tenant compte de facteurs multiples.
