Analyse comparative des systèmes de santé

Les outils politiques de la régulation des dépenses de santé

L'accroissement du rôle de l'État dans le système de santé

La « gouvernance » du système de santé français (Voir le site de l'OMS pour la définition du terme gouvernance) a profondément changé sur la durée. Elle se caractérise par une emprise croissante de l'exécutif national, c'est-à-dire de l'État, sur deux systèmes :

  • la régulation du système de protection sociale

  • l'organisation des services de soins de santé.

Il faut savoir que l'État, en France, a toujours été présent dans la régulation du système de protection sociale et dans l'organisation des services de soins de santé. Cependant le système français présente deux caractéristiques importantes qui délimitent le périmètre d'action de l'État. La première caractéristique est celle du statut initial de la Sécurité Sociale conçue, au départ, comme devant être autonome financièrement et gérée par les représentants élus des assurés sociaux, mais sous la tutelle de l'État. La seconde caractéristique est celle de la coexistence d'une offre de service de statut public avec une offre privée, dans le domaine hospitalier comme de ville, l'offre privée de ville en particulier disposant des garanties importante en matière de pratique et d'installation. Par conséquence, au départ du moins, l'exécutif national n'apparaît pas dans une position de contrôle hiérarchique des organisations et des acteurs qui constituent l'offre de protection sociale et de services de santé.

Cette situation va progressivement évoluer avec un processus d'étatisation se caractérisant par un renforcement des contrôles externes, sans que cela n'aboutisse cependant à une prise de contrôle totale qui s'apparenterait à une nationalisation.

On peut citer au nombre de quatre les raisons en faveur d'un processus croissant d'étatisation :

  • Maîtriser les dépenses remboursées par l'assurance maladie

  • Garantir pour les citoyens la qualité et la sécurité des soins offerts

  • Maintenir l'accessibilité des soins compte tenu des contraintes financières et de qualité des soins

  • Rechercher l'amélioration de la santé des populations ciblées au travers d'actions collectives ciblées

En France, ce processus d'étatisation va passer par deux étapes :

  • Le renforcement de la tutelle de l'État sur l'Assurance Maladie

  • Le renforcement de la tutelle de l'État dans la régulation de l'offre de soins.

Concernant l'Assurance Maladie, plusieurs décisions de l'État vis-à-vis de l'Assurance Maladie vont être prises. En 1967, l'instauration du paritarisme entre patronat et syndicats dans la gestion du régime général de la sécurité (Ordonnance Jeanneney du 21 août 1967) sociale va-t-il mettre fin au premier modèle de gestion de la protection sociale par les syndicats de travailleurs salariés. Le système de gestion paritaire consiste en la cogestion par les partenaires sociaux des différentes caisses de sécurité sociale : CNAMTS, CNAV, CNAF, auxquelles il faut ajouter l'ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale qui assure la trésorerie du régime général de la sécurité sociale et alimente les grandes caisses nationales de ce même régime : CNAMTS pour la maladie, CNAF pour la famille et CNAV pour la branche vieillesse. Les rôles de chaque partenaire est clairement défini au moins en théorie : les partenaires veillent à la gestion équilibrée des risques, les organismes régionaux et locaux sur le terrain à la mise en œuvre du service public de la Sécurité sociale. L'État a un rôle de tuteur et de contrôleur. L'État va cependant remettre en cause au début des années 1990 cette gestion paritaire. La question de légitimité de cette gestion va se poser dans un premier temps. Avec un taux de syndicalisation de 10% seulement, la question de la représentativité des syndicats censés gérer la Sécurité sociale va être questionnée. Par ailleurs, il est reproché aux partenaires sociaux de ne pas avoir assuré leurs responsabilités en ayant laissé la branche maladie des travailleurs salariés se dégrader et en ne proposant pas de mesures destinées à restaurer son équilibre financier. Cette remise en cause va conduire, en 1996 avec Alain Juppé au retour à un strict paritarisme. Le modèle qui se dessine marque la naissance d'une gestion tripartite de la sécurité sociale. Le contrôle de l'État est renforcé, mais prend une forme nouvelle, sous la forme d'un contrôle gestionnaire financier, et politique accru : à la tutelle sur les organismes de Sécurité Sociale, se substitue une relation contractuelle au travers de la signature de COG (convention d'objectifs et de gestion) avec l'État. Conclues entre l'État et la Cnamts pour une durée de quatre ans, ces conventions déterminent les objectifs pluriannuels de gestion, les moyens de fonctionnement pour les atteindre et les actions à mettre en œuvre. Une gestion plus étatique de la Sécurité sociale va également s'imposer avec l'accroissement de la fiscalisation des recettes de la Sécurité sociale (Contribution Sociale Généralisée -CSG- 1991 puis la Contribution pour le remboursement de la dette sociale - CRDS- en 1996). Enfin, la réforme constitutionnelle du 22 février 1996 sur la Loi de financement de la Sécurité sociale, va associer le Parlement (c'est-à-dire l'État) à la gestion de la Sécurité sociale et consacre ainsi le monopole de l'État en matière de prise de décision financière.

Concernant la régulation de l'offre de soins, l'État s'est imposé par exemple par son rôle en cas d’absence d’accords entre Assurance Maladie et syndicats de médecins (honoraires des médecins), sa volonté d’améliorer les pratiques individuelles au travers par exemple des référentiels de bonnes pratiques ou celle de contrôler les prix du secteur privé de l'offre de soins en fonction du volume d’activité réalisé dans le cadre d' accords État / Assurance Maladie/ syndicats de l’hospitalisation privée (ce que l'on a appelé l'OQN: Objectif Quantifié National).

L'accroissement du rôle du Parlement : l'ONDAM

L'ONDAM a été créé en 1996 dans le cadre des Lois de Financement de la Sécurité Sociale (LLFS). Il s'agit d'un montant fixé et voté chaque année par le Parlement, fixé en milliards d'Euros avec un taux d'augmentation prévu par rapport à l'année précédente. Il ne couvre pas l'ensemble des dépenses de santé et ne peut donc être considérée comme le montant que la population consacre à sa santé. En effet, il ne comprend ni les dépenses des soins payées directement par les individus (automédication par exemple), ni les dépenses financées par les couvertures complémentaires (mutuelles ou assurances). L'ONDAM correspond donc à la somme que la collectivité accepte de consacrer au financement de la santé pour une année donnée. L'ONDAM, pour pouvoir être respecté, est suivi d'une série de décisions qui succèdent à son adoption par le Parlement. L'ONDAM est réparti en quatre sous enveloppes :

  • soins de ville (honoraires privés et prescriptions de médicaments, de biologie...),

  • secteur médico-social (dépenses consacrées aux personnes âgées, enfance inadaptée et adultes handicapés),

  • établissements sanitaires publics et assimilés et cliniques privées,

  • dotation nationale destinée au développement des réseaux de soin.

Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, il a été proposé de fixer l'ONDAM à 167,1 milliards €, ce qui correspond à une progression de 2,9 % par rapport à 2010.

Pour en savoir plus :

Les dépenses de santé sont maîtrisées en 2010 et 2011 : l'ONDAM voté par le Parlement est respecté- La maîtrise des dépenses de santé se poursuit en 2012 : un ONDAM fixé à 2,8% (cf -) - fichier en format pdf

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AccueilAccueilImprimerImprimer Auteurs : Francis Guillemin - François Kohler - Catherine Lejeune - Elisabeth Monnet - Catherine Quantin - Agnès Tabutiaux - Reproduction et diffusion interdite sans accord des auteurs. Réalisé avec Scenari (nouvelle fenêtre)