Raisons théoriques
La relation d'agence a été avancée par les économistes pour expliquer la dérive des dépenses de santé. La relation d'agence se définit comme un contrat par lequel une ou plusieurs personnes (le principal) engage une autre personne (l'agent) pour accomplir quelques services en son (leur) nom, impliquant la délégation d'une partie de l'autorité de prise de décision à l'agent. Le principal et l'agent souhaitant, chacun, maximiser leur utilité, leurs relations peuvent donc être source de conflits.
Ce qui caractérise la relation d'agence c'est donc le fait d'une part que chacun des individus a ses propres préférences, d'autre part qu'il existe une répartition inégale de l'information : on parle d'asymétrie de l'information. Cette asymétrie d'information est source d'inefficience et de dépenses inutiles. Elle s'observe notamment au travers de deux situations bien distinctes : la théorie de la demande induite et la situation du risque moral.
La théorie de la demande induite. Le concept de demande induite correspond à l'influence de l'offre (incarné par le producteur de soins) sur la demande (incarnée par le patient) : plus l'offre augmente, c'est-à-dire plus le nombre de médecins ou d'hôpitaux augmentent, plus la demande de santé de la population croît. Plusieurs mécanismes sont en jeu et pourraient expliquer ce phénomène :
l'existence d'une forte densité médicale et hospitalière (existence de pôles d'attractivité selon les régions) est un appel direct à la consommation de soins,
une population de plus en plus informée et exigeante poussant à la prescription et la consommation,
mais paradoxalement, une population ignorante et peu sensible aux prix se laissant guider par le médecin qui tente d'assurer ses revenus et de ne pas perdre de clientèle. En effet, le médecin peut difficilement refuser un patient sous peine de voir le patient consulter un confrère. Les économistes de la santé considèrent que la France, du fait du système de paiement à l'acte, est d'avantage susceptible de rentrer dans ce modèle au regard de la concurrence existante entre professionnels de la santé qu'un pays où les médecins sont majoritairement salariés ou pays à la capitation. L'induction de la demande par l'offre pourrait donc contribuer à la hausse des dépenses de santé, et ce d'autant plus que de nombreux pays de l'OCDE sont exposés à des problèmes d'excès d'offre de soins (en matière de praticiens et de lits d'hôpitaux notamment).
Cependant la validation de cette hypothèse sur le plan empirique n'est pas concluante. Une analyse réalisée à partir de l'enquête santé 1991-1992 montre que les principaux facteurs expliquant la probabilité de recours aux soins de ville sont la morbidité et l'ampleur de la couverture et non l'offre de soins (Genier, Rupprecht, 1997). Ce n'est donc pas tant la croissance des équipements et des effectifs médicaux qui influe sur les dépenses de santé que la capacité qu'ont les prestataires de soins à réagir aux incitations données par le cadre institutionnel dans lequel ils évoluent (mode de rémunération par exemple) (source: L'Horty Y et al.Expliquer la croissance des dépenses de santé : le rôle du niveau de vie et du progrès technique In: Économie & prévision. Numéro 129-130, 1997-3-4. Nouvelles approches micro-économiques de la santé. pp.257-268.
Le risque moral : Le principe de ce concept est le suivant : dès lors qu'un individu est assuré, il est moins incité à éviter la survenue d'un accident ou d'une maladie du fait d'un recours moins fréquent au système de prévention. Ces individus peuvent également adopter un comportement plus à risque. Enfin, ils peuvent également avoir tendance à surconsommer des soins, se sachant couvert par l'assurance.