Système de santé allemand
Contexte
Historiquement, l'Allemagne est à l'origine du modèle le plus pur de protection sociale : le système bismarkien. L'Allemagne a dû faire face dans les années 90 au lourd fardeau de la réunification qui a pesé de façon importante sur ses dépenses de santé. Elle a mis en œuvre des réformes qui ont introduit une part d'économie de marché. On s'accorde cependant globalement à dire que ces changements qui n'ont pas touché les fondements du financement solidaire sont restés de faible ampleur. Le débat actuel est celui de l'équilibre entre financement solidaire et gouvernance concurrentielle.
Les mécanismes mis en œuvre pour la régulation reposent essentiellement sur la limitation dans l'organisation des soins avec les devoirs et les obligations d'un service national de santé en face duquel on préservera les droits des assurés par le système d'assurance sociale.
Réformes
Depuis 1992
La réforme Seehofer a introduit des mécanismes de marché en mettant en concurrence les différentes Caisses d'Assurance Maladie qui sont nombreuses (plus de 250). Elle a abouti à une concentration des organismes de soins qui ont fusionné pour faire face à la concurrence sur le taux de cotisation, aboutissant ainsi à une meilleure homogénéité. En décentralisant les responsabilités, ils ont obtenu plus d'autonomie de gestion.
Les récentes réformes hospitalières se sont traduites par la mise en place d'un budget global hospitalier fixé au niveau fédéral avec contribution de l'assurance maladie proportionnelle au salaire, généralisation des paiements des soins hospitaliers au coût par pathologie.
Réforme de 2004
Elle a visé à augmenter la participation des ménages, à introduire le revenu de l'impôt et ont signé la fin de la parité des cotisations via les mesures suivantes :
- instauration d'un ticket modérateur de 10 % plafonné à 10 euros pour les médicaments (sauf si les dépenses dépassent 2 % des revenus annuels).
- introduction d'un forfait consultation à 10 € dès la 2ème consultation de chaque trimestre (antérieurement gratuit).
- instauration d'un forfait journalier hospitalier et d'un remboursement forfaitaire des soins dentaires et non plus proportionnel.
Seules les personnes ayant un revenu supérieur à 3 900 € ont droit de recourir à un assureur privé qui paye mieux les prestataires (les médecins). Ceci risque d'introduire une division et annule la solidarité.
• Gouvernance concurrentielle
Le point important de la réforme 2004 est le passage à une gouvernance concurrentielle introduisant de la concurrence entre les Caisses d'Assurance Maladie ; ce qui risque de favoriser à terme des inégalités en terme de résultat sanitaire car elle entraîne mécaniquement une différentiation des prestations proposées.
Si cette gouvernance concurrentielle actuellement limitée était renforcée, à terme, il pourrait y avoir effacement des frontières entre assurance privée et publique qui pourraient devenir à termes les partenaires d'un marché unique.
A ce jour, le marché est encadré par une réglementation. Les Caisses d'Assurance Maladie doivent affilier toute personne qui le demande. Les assurés peuvent résilier, sans justification, après 18 mois de cotisation ou, s'il y a augmentation des cotisations. Pour garder leurs clients ou en faire venir de nouveaux, les caisses ont développé des politiques de communication et des remises sont consenties aux nouveaux arrivants. En augmentant la concurrence, le risque est de multiplier la communication au détriment de la qualité de la couverture et surtout d'inciter les mauvais risques (sujets présentant plus de risques de maladies) à partir.
Réformes récentes
Synthèse à partir de l'article : P. Turquet. Health insurance system financing reforms in the Netherlands, Germany and France: Repercussions for coverage and redistribution? International Social Security Review 2012, vol. 65:29-51.
En février 2007, le parlement a adopté une législation rendant obligatoire l'appartenance au système publique de couverture de santé sous peine d'amende, ce qui oblige également les assureurs à accepter tous les candidats. En particulier les assureurs privés doivent proposer des contrats d'assurance de base sans examen médical préliminaire. Ceci a été géré au sein d'un nouveau fond de santé créé en 2007, centralisé en 2009 pour rassembler l'ensemble des contributions et des revenus des taxes. Tous les assurés payent à ce fond public une contribution uniforme et l'état redistribue les ressources financières sur la base du niveau de risques.
En raison d'un déficit important, une nouvelle législation est venue compléter le dispositif au 1er janvier 2011 intitulée « Financement équitable au long terme de l'assurance santé ». Cette loi :
augmente la contribution de 14,9 à 15,5 % ;
supprime le plafond limitant des contributions supplémentaires sur la base d'un pourcentage du revenu ;
réduit la période durant laquelle un assuré peut excéder le plafond de revenu avant d'avoir le droit de passer à une assurance privée d'au moins 3 ans.
Le taux de contribution à l'assurance santé est maintenant considéré comme fixé, ce qui imposera en cas de besoin de financement supplémentaire, de solliciter des contributions supplémentaires.
Conclusion
Tous les systèmes de santé ont à faire face à des difficultés financières que la crise économique de 2008 a contribué à aggraver. Dans ce contexte, des réformes sont nécessaires, mais ces mouvements de changement datent déjà de la fin du XXème siècle. C'est certainement aux USA que les réformes sont les plus urgentes, en raison de la part très importante du PIB consacré à la santé, et du fait qu'il est le système le plus inégalitaire et garantissant le moins de sécurité aux personnes vulnérables.
L'analyse comparative des 3 systèmes présentés, hérités de 3 modèles très différents, montre que l'accumulation des modifications tend à s'éloigner de leurs modèles historiques pour se rapprocher l'un de l'autre. Même la réforme Obama prévoit d'introduire des expérimentations issues des mesures mises en œuvre dans les pays européens. Cette convergence associe en fait de nombreux éléments issus des modèles bévéridgien et bismarckien, et une part de système libéral au système public. Le grand défi des prochaines années sera de préserver une équité de ces systèmes de santé, et de ne pas laisser pour compte les personnes les plus socialement et économiquement vulnérables. L'accès aux soins universel reste un enjeu majeur*[1].