Système de santé américain
Le système américain d'Assurance Maladie repose avant tout sur la liberté de choix offerte aux patients comme aux prestataires de soins, qui sont principalement privés. La prise en charge publique des dépenses d'Assurance Maladie se limite principalement à deux programmes : Medicare, qui couvre, sans condition de revenu, les personnes âgées de 65 ans ou plus, les invalides et les personnes atteintes d'insuffisance rénale et Medicaid, qui s'adresse aux familles pauvres.
Les avantages du système USA sont nombreux : liberté de choix offerte aux patients, aux assureurs et aux professionnels de santé. La concurrence entre les prestataires favorise l'existence d'une offre de soins au meilleur coût, une limitation des gaspillages, et la responsabilisation des acteurs. Mais les inconvénients le sont tout autant : le niveau de protection est fonction du degré d'intégration dans le marché du travail des malades, des moyens financiers, de la taille de l'entreprise qui les emploie, de l'âge et de l'état de santé. Dans certains cas, le niveau de protection est parfois inexistant : 15 % population américaine ne bénéficient d'aucune véritable couverture maladie.
C'est précisément pour pallier ces inconvénients qu'une importante réforme du système d'Assurance Maladie américain a été adoptée en décembre 2003. Elle visait à compléter le programme Medicare par une prise en charge partielle des dépenses de médicaments des personnes âgées et de certaines prestations de prévention. La réforme devait être mise en œuvre en trois étapes :
la première (2004-2006) portait sur l'extension de la prise en charge des médicaments pour les personnes de 65 ans ou plus,
la deuxième (2005-2007) sur la modification des taux de couverture,
la troisième prévoyait, à partir de 2010, l'ouverture à la concurrence de ce marché de l'assurance.
Cette réforme était associée à une prise de risque importante (risque d'un dérapage des dépenses) en raison de l'arrivée dans les tranches d'âge de plus de 65 ans des générations baby-boom, de l'allongement de la durée de la vie, de l'accroissement du coût des techniques médicales et de l'augmentation du volume des médicaments consommés. Par ailleurs, D'autres craignaient, un accroissement des inégalités lié à une éventuelle sélection des risques par les assureurs, au cantonnement de Medicare à l'assurance des plus pauvres, au pouvoir conféré aux assurances privées de rationner l'accès aux médicaments et au fait que les aides fiscales en faveur des plans d'épargne santé bénéficieront essentiellement aux foyers à revenu élevé. Au total, ces objectifs de réformes se sont soldés par un échec.
L'élection à la présidence des États-Unis d'Amérique du sénateur Barak Obama le 20 janvier 2009 s'est accompagnée d'un vaste mouvement de réformes dans le domaine de la santé. le projet, a été voté au Sénat le 12 septembre 2009. Il est considéré comme un vote historique.
Complément : La réforme Obama
Extrait de l'article de C. Prieur « La réforme du système de santé américain », revue « Pratique et organisation des soins », vol. 42, n°4/2011, pages 265-274.
La réforme se présente sous forme de deux textes se complétant - c'est-a-dire que l'un rectifie l'autre - couvrant des centaines de pages et des milliers d'articles, parce que touchant de prés ou de loin des domaines juridiques très différents : droit des assurances, réglementation des assurances publiques Medicare et Medicaid, droit de la concurrence, législation sur les petites et moyennes entreprises, législation fiscale générale, réglementation sur la responsabilité médicale [3, 4, 5]...
Autant dire que sa mise en application, étalée dans le temps jusqu'à 2014 et même 2020, sera progressive et semée d'embûches d'autant plus que les républicains ont annoncé leur intention de s'opposer à la mise en place de cette loi « scélérate » : un recours devant la Cour suprême émanant d'une douzaine de gouverneurs républicains est déjà en cours1[1] . De plus, en matière de santé, les compétences sont partagées entre l'État fédéral et les États fédérés dont certains dirigés par des républicains vont résister à l'application d'une loi complexe.
Pour essayer de dégager ce qui va changer dans les années à venir, nous avons classé les principales mesures de ces textes touffus, en fonction des objectifs à atteindre, ce qui ne veut pas dire que les moyens utilisés soient à la hauteur de chaque enjeu.
1. Diminution du nombre de non-assurés
La réforme doit faire bénéficier d'une assurance maladie 32 millions d'américains qui n'en avaient pas ; ce n'est pas la couverture universelle espérée mais il ne devrait plus rester qu'une quinzaine de millions de personnes en dehors de toute assurance, et tous les enfants seront couverts d'une façon ou d'une autre.
Pour ce faire, on va élargir le champ des systèmes existants : assurances publiques comme Medicare, Medicaid et le programme Children health insurance (on modifiera les seuils d'éligibilité) et assurances privées financées par les employeurs ou directement par les assurés.
Les assureurs privés seront tenus de conserver sur l'assurance des parents les enfants jusqu'à 26 ans alors qu'une partie des non-assurés était justement des jeunes à la recherche d'un emploi stable. Les chômeurs seront aidés pour obtenir une assurance tout comme les familles modestes ne pouvant accéder à Medicaid.
De même, toute personne sera tenue d'être assurée soit par son employeur soit directement ; à défaut, elle devra payer une amende annuelle qui augmentera progressivement pour atteindre 2,5 % de ses revenus en 2016. Les « pauvres » sont dispensés de cette obligation puisqu'ils ont droit à Medicaid.
Les entreprises de plus de 50 salariés qui ne fourniront pas de couverture à leurs employés seront également pénalisées à raison de 2 000 dollars par salarié non couvert. En revanche, les petites entreprises bénéficieront d'un crédit d'impôt.
Chaque État fédéré devra s'associer avec un autre pour organiser un marché régional d'assurance où au moins deux offres seront émises au prix le plus bas. Les compagnies d'assurances qui voudront participer à ces marchés organisés devront proposer quatre types de contrats offrant un panier de prestations standard et des taux de prise en charge allant de 60 à 90 % de leur coût selon les cas.
Les États qui ne souhaiteraient pas recourir aux marchés organisés devront mettre au point une assurance maladie minimale qu'ils devront totalement administrer. De plus, la réforme impose aux compagnies d'assurance de publier des indicateurs de qualité et notamment les coûts administratifs et les profits afin que les assurés sachent quelle part de leurs primes couvre leurs dépenses de santé et quelle part enrichit les assureurs.
2. Les améliorations de la couverture
Les assurances privées se verront interdire de faire de la sélection des risques avant souscription d'un contrat comme après : nombre d'Américains ont eu la surprise de se voir refuser des remboursements pour maladie grave au motif de non-déclaration d'antécédents médicaux ! Cela ne sera plus possible.
De même, les contrats d'assurances privées devront comporter un panier de biens et services de base couvrant 60 % des soins et devront limiter les restes à charge possibles ; les actes de prévention tels que la mammographie, seront pris en charge.
En outre, il sera interdit de fixer dans les contrats un plafond du montant des remboursements que l'assurance est susceptible de verser au cours de la vie d'un assuré. Les variations de primes demandées aux assurés et à leurs employeurs en fonction de différents critères tels que l'âge, la taille de la famille, le lieu de résidence, la présence de facteur de risque, seront soumis à un contrôle dans chaque État [6].
Toutes ces dispositions durcissent la réglementation du marché de l'assurance santé ; elles n'ont été acceptées par les assureurs que parce que la réforme a abandonné l'idée d'une assurance publique qui n'aurait, par définition, pas utilisé les « astuces » des contrats privés et aurait pu leur enlever une part importante du marché. Mais cette nouvelle réglementation sera-t-elle appliquée ? Les occasions de contentieux ne manqueront pas.
Pour les personnes de plus de 65 ans, bénéficiant de Medicare, les failles actuelles dans le remboursement des médicaments seront réduites (doughnut hole de la section D). L'Etat fédéral investira dix milliards de dollars dans les dispensaires de quartiers pour améliorer la médecine de proximité et éviter les hospitalisations inutiles des plus pauvres (centres de santé communautaires). Toutefois, les interruptions volontaires de grossesses ne pourront pas être financées sur fonds publics, disposition sur laquelle B. Obama a dû s'engager pour rallier à sa cause les élus démocrates anti-avortement.
On attend de ces différentes mesures une plus grande sécurité pour les personnes qui disposent déjà d'une assurance. De plus, comme on l'a dit plus haut, dans chaque État, les assureurs devront communiquer le modèle de contrat et le montant des primes à une sorte de « bourse » permettant ainsi une meilleure concurrence et renforçant le poids des usagers face aux assureurs. Des risk pools (fonds collectifs financés par l'impôt pour la prise en charge des risques lourds) devront être mis en place dans chaque Etat avec le soutien financier partiel de l'Etat fédéral : beau terrain de querelles pour l'application !
Enfin, Medicare mettra en place une sorte d'assurance dépendance permettant aux personnes dépendantes de rester chez elle avec une allocution journalière pour payer des services à la personne à domicile.
3. Rationalisation du système sanitaire
Le système américain fonctionne avec beaucoup de gaspillages qu'une enquête récente chiffrait à plus de 700 milliards de dollars sur 2 500 milliards de dollars de dépenses de santé. Ce laxisme généralisé provient du mode de fonctionnement du système : les professionnels de santé créent la dépense qui est supportée par les assurances lesquelles ont peu de moyens et de volonté de discuter les tarifs et le bien-fondé desdites dépenses et les répercutent dans les primes. D'où le montant considérable des dépenses de santé.
C'est pourquoi la réforme Obama comporte plusieurs centaines de pages permettant la création ou l'expérimentation de tous les dispositifs que les Européens utilisent pour réguler leur système de santé : développement de la prévention, éducation thérapeutique des malades chroniques, analyse comparée de l'efficacité des traitements et élaborations de protocoles thérapeutiques standard rédigés par l'équivalent de notre Haute Autorité de santé, créée à cet effet. La lutte contre les fraudes générées par le fait que les programmes publics sont mis en œuvre par des assureurs privés, intermédiaires entre malades et soignants, peu regardants sur la dépense présentée au remboursement, sera intensifiée.
A titre anecdotique, on peut citer une mesure tendant à rendre obligatoire l'affichage de la teneur en calories dans les menus des fast food. Une nouvelle agence, le Center for Medicare and Medicaid innovation, disposera d'un budget important pour engager des expérimentations : informatisation des dossiers médicaux, maisons médicales pluridisciplinaires.
On attend de ces mesures des économies dans le fonctionnement du système de santé mais celles-ci n'ont rien d'évident car on ne touche pratiquement pas aux moyens d'action des programmes publics sur les tarifs des prestataires de soins comme sur le prix des médicaments.
4. Accroissement des ressources
En dehors des pénalités pour non-assurance frappant employeurs et salariés, énumérées plus haut, la réforme prévoit de taxer les titulaires de contrats haut de gamme, payés par les entreprises, ainsi que les laboratoires pharmaceutiques et fabricants de dispositifs médicaux. Les cotisations affectées à Medicare seront augmentées, passant de 1,45 à 2,35 % pour les très hauts salaires ; une taxe de 3,8 % est introduite sur les revenus du capital des titulaires de revenus élevés.
La réforme devrait coûter 900 milliards de dollars sur dix ans ; elle ne devrait pas peser sur le déficit budgétaire de l'État fédéral à condition que les économies entraînées par la rationalisation du système de santé soient au rendez-vous.
1- La cour suprême n'a pas retenu le recours