Les concepts et méthodes en sociologie
La question souvent posée au sociologue, est : à quoi sert la sociologie ? Si, dans le champ de la santé, l'épidémiologie produit des mesures et construit des indicateurs qui doivent aider à la décision et à l'action, on peut interroger la sociologie sur sa place, tant au niveau recherche qu'aide à la décision.
Deux niveaux de contribution peuvent être mis en évidence : d'une part, l'approche conceptuelle que développe la sociologie dans son travail d'investigation et de recherche ; d'autre part, ses méthodes.
Les concepts en sociologie
La contribution de la sociologie consiste dans le « découpage » de la réalité, permettant de révéler la signification sociale du phénomène ou de l'action étudiée, grâce à un travail de conceptualisation. Les concepts sont les outils permettant ce découpage : si on peut les comparer à des instruments, ils n'ont pas de fin de mesure mais bien de dé- et re-construction de l'objet étudié. Ils servent dans un premier temps à décrire, dans un second temps à comprendre une action, un phénomène.
Les concepts sont nombreux en sociologie, parmi les concepts phare : la socialisation (« processus par lequel l'individu intériorise un certain nombre de dispositions qui vont façonner ses manières d'agir, de penser, d'appréhender ») et le rôle (concept permettant la révélation du sens et du contexte social d'une action individuelle ou collective). Les concepts sont transversaux et peuvent être mobilisés par différentes traditions de pensée sociologique. Ils permettent par ailleurs d'interroger les différents niveaux de l'action sociale ou de phénomènes sociaux.
Exemple : Mobilisation du concept de rôle dans le cadre de l'éducation thérapeutique du patient
Le concept de rôle permet d'éclairer sociologiquement l'éducation thérapeutique du patient. D'un point de vue descriptif, le rôle va dans un premier temps identifier les positionnements, pratiques, préalables et attendus, des acteurs impliqués : patients, soignants, proches, déconstruisant la séance d'éducation thérapeutique comme situation de consultation pour la reconstruire en une interaction sociale spécifique.
D'un point de vue conceptuel en vue de l'explication sociologique, plusieurs mobilisations du concept sont ensuite possibles :
Si l'on s'en tient à un niveau inter-individuel, le rôle fera apparaître ce qui dans l'individuel, relève du social : on est patient car on est en face de soignant et accompagné d'un proche ; on est patient car l'institution nous désigne comme patient. Le rôle fera également apparaître un certain nombre d'attendus : que le patient soit accompagné, que le soignant informe de manière désintéressée le patient, que le proche accepte d'être éduqué... Ces attendus – ou obligations – sont révélés lorsqu'ils ne sont pas rencontrés, une sanction pouvant être exprimée : reproches du soignant ou du proche envers le patient par exemple...
Le rôle va permettre également de mettre à jour le contexte d'une séance d'éducation thérapeutique : au-delà des acteurs impliqués, dans quel contexte prend place cette interaction ? L'hôpital renvoie à la notion de soins ; le domicile renvoie alors à la notion de care. L'observation des rôles mettra également à jour les pratiques de responsabilisation (et de résistance associée), comprenant l'éducation thérapeutique comme une organisation sociale spécifique dépassant les actes individuels.
Enfin, d'un point de vue plus global, le rôle peut mettre en évidence des éléments structurels de l'éducation thérapeutique : les rapport de force entre groupes (professionnels vs. profanes), l'institution socialisante (l'éducation thérapeutique comme dispositif), les déterminismes sociaux incluant et excluant certains groupes de l'éducation thérapeutique...
D'un point de vue interprétatif, aborder l'éducation thérapeutique par le rôle va permettre enfin de faire dialoguer des perspectives contradictoires et critiques : doit-on comprendre l'éducation thérapeutique comme un dispositif prolongeant un pouvoir médical et une médicalisation croissante ? Ou comme un dispositif permettant l'expression d'une autonomie croissante du malade, s'assimilant à un modèle partenarial, plus égalitaire ?
Méthodes de recherche en sociologie
Les méthodes de recherche en sociologie sont nombreuses. Elles sont issues des traditions sociologiques spécifiques (voir sections précédentes) servant le travail d'investigation et, dans le champ de la santé, complétant et s'articulant avec les méthodes d'autres disciplines telles que l'épidémiologie.
Elles peuvent être distinguées en méthodes de recherche quantitatives et qualitatives. Cependant, au vu du développement précédent sur la discipline, il est important de comprendre cette distinction en s'interrogeant sur les questions que peut poser un sociologue. Très souvent, en effet, la question ne s'arrête pas à combien et à quelle fréquence (par exemple, comportements alimentaires spécifiques) mais s'étend à :
quelles expériences ?
quelles perceptions ?
quels contextes d'action ?
Si l'on s'intéresse aux habitudes alimentaires, les questions peuvent être : quelles sont les expériences d'alimentation (individuelles, de groupe...) ? Quelles perceptions peut-on avoir de l'alimentation (plaisir, besoin, contrainte...) ? Quel est le contexte d'action (quels éléments entourant l'alimentation influent sur la pratique ?)
Ainsi, les méthodes de recherche s'orientent souvent vers des outils « qualitatifs » tels l'observation et l'entretien. Ces méthodes seront également privilégiées dans des études sociologiques examinant des contextes « sensibles » (les soins palliatifs, la prostitution) ou évaluant la faisabilité d'un projet.
Dans tous les cas, le choix d'une méthode dépendra de l'orientation de la recherche qui sera déterminée par la question de recherche initiale et le cadre théorique. La démarche sociologique doit être suivie et chaque sociologue étudiant la réalité sociale doit pouvoir se situer au sein d'un paradigme qui viendra éclairer et encadrer le regard posé sur l'objet étudié.