Concepts et savoirs de base en santé publique - Disciplines concourantes

Les modèles sociocognitifs

L'approche des modèles socio-cognitifs se fixe pour objectif d'induire des changements du comportement à travers des modifications des cognitions individuelles. S'appuyant sur les modèles socio-cognitifs, elle fait le lien entre les connaissances, les croyances, les attitudes et les comportements. Plusieurs modèles existent, dont quatre d'entre eux sont présentés ci dessous.

Le Modèle des Croyances sur la Santé (HBM – Health Belief Model – Rosenstock, 1974) représente la première théorie cognitive s'intéressant au problème des comportements de santé. Elaboré dans les années 50, son but était initialement de prédire et d'expliquer les raisons pour lesquelles certaines personnes ne suivaient pas les recommandations de santé publique concernant par exemple le dépistage du cancer ou le suivi des vaccinations. Par la suite, ce modèle a été utilisé pour prédire les changements de comportement dans le cadre de nombreuses pathologies. Le HBM suggère que quatre types de croyances sont nécessaires afin que la personne soit susceptible de développer l'action de santé recommandée :

  • la perception de sa propre vulnérabilité à la maladie,

  • la perception de la gravité de la maladie si elle était contractée,

  • la conviction que sa propre action, en terme de changement de comportement de santé, sera efficace face à cette menace (bénéfices perçus de l'action de santé),

  • et la perception qu'il y a peu d'obstacles, de coûts à la mise en place de l'action (coûts perçus de l'action de santé). En outre, le HBM inclut deux autres types de variables agissant indirectement sur la mise en place d'un comportement : les incitations internes et externes à l'action (perception de symptômes physiques, personnes proches ayant développé la maladie, campagnes de prévention), et les variables démographiques (sexe, âge, ethnie...) et psychosociologiques (personnalité, classe sociale, pression des pairs...). Dans une méta-analyse des recherches utilisant le HBM, Harrison, Mullen, et Green (1992) ont montré que les quatre éléments du HBM étaient corrélés de façon significative mais faible avec les comportements en lien avec la santé (vaccination, régime alimentaire, observance thérapeutique de l'administration d'insuline ou de la prise d'un traitement anti-hypertenseur, ...).

Un autre modèle socio-cognitif, la Théorie Sociale Cognitive de Bandura (1977, 1986, 1997), n'a pas été spécifiquement développé pour le domaine de la santé. Pourtant, de nombreuses recherches ont utilisé un concept clé de cette théorie pour prédire l'adoption des comportements de santé. Reconnaissant l'influence de l'environnement social et des apprentissages réalisés par les individus sur les comportements en général, Bandura fait reposer sa théorie sur l'hypothèse selon laquelle les différences individuelles dans la façon d'accomplir une action ou d'adopter un comportement s'expliquent en grande partie par deux attentes : les attentes de résultats et les attentes d'efficacité personnelle. Selon cette théorie, une personne adopte un comportement si elle considère qu'il contribue à l'atteinte de résultats escomptés, mais avant tout si elle a suffisamment confiance en ses capacités à le réaliser effectivement. Clark et Dodge (1999) notent que les études sur l'efficacité personnelle dans le domaine de la santé ont montré une association entre les croyances d'efficacité personnelle et les comportements visés, sans toutefois mettre en évidence un fort degré explicatif de ce concept dans l'adoption des comportements de santé.

Une autre théorie non spécifique au domaine de la santé a permis d'étudier les changements de comportement dans le cadre de la maladie. La théorie de l'action raisonnée (TRA, Fishbein & Ajzen, 1975) postule que l'intention d'adopter un comportement constitue le déterminant premier de sa mise en place. Cette intention est à son tour influencée par une série d'attitudes envers le comportement ciblé (par exemple, « mettre ma ceinture ne me pose pas de problème »), et par les normes subjectives que l'individu entretient vis à vis du comportement (c'est-à-dire la pression sociale perçue qui inciterait ou non à réaliser le comportement comme « mettre sa ceinture »). Plus tard en 1985, Ajzen développe un modèle étendu de la TRA en intégrant le concept de perception du contrôle comportemental. La théorie du comportement planifié (TPB, Theory of Planned Behaviour, Ajzen, 1985, 2002) conceptualise la perception du contrôle comportemental comme l'aisance ou la difficulté perçue à réaliser un comportement. Dans de nombreuses études, la perception du contrôle a souvent été rapprochée de l'efficacité personnelle perçue, en devenant même un synonyme. Une méta-analyse des recherches utilisant la TRA et la TPB montre que ces modèles expliquent en moyenne entre 40% et 50% de la variance des intentions et entre 19% et 38% de la variance des comportements effectifs (Sutton, 1998, 2004). Les modèles socio-cognitifs sont surtout explicatifs des intentions de changement mais sont loin de pouvoir déterminer les raisons qui amènent certaines personnes et pas d'autres à transformer effectivement en actes leurs intentions (Fishbein, Hennessy, Yzer et Douglas, 2003). Les principales critiques qui ont été formulées à l'encontre des modèles socio-cognitifs dans la promotion de la santé incluent une vision trop stéréotypée de l'éducation transmise principalement par des encadrants ayant des connaissances académiques, une supposée égalité des individus face aux messages de santé reçus, une focalisation peut-être excessive sur les connaissances et les croyances personnelles.

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