Concepts et savoirs de base en santé publique - Disciplines concourantes

Alexithymie

Le terme d'alexithymie a été proposé officiellement par Sifneos (1973) pour désigner le fonctionnement de nombreux patients souffrant d'affections organiques à forte composante psychosomatique. Etymologiquement, "alexithymie" renvoie à l'absence de mots pour exprimer les émotions. En fait, l'alexithymie comporte plusieurs aspects complémentaires:

  • l'incapacité à reconnaître, identifier et exprimer verbalement ses propres émotions,

  • la limitation de la vie imaginaire, notamment de l'aptitude à la rêverie diurne,

  • la tendance à recourir à l'action pour éviter et résoudre les conflits

  • et enfin la description détaillée des faits, événements ou symptômes physiques (Pedinielli, 1992). Les difficultés à reconnaître ses émotions et à les exprimer verbalement n'impliquent nullement l'incapacité à reconnaître de telles émotions lorsqu'elles sont exprimées par autrui. La difficulté se situe dans la distinction entre sensations corporelles et émotionnelles, dans l'impossibilité d'éprouver des émotions lors de situations censées les solliciter, enfin dans l'inexistence de lien entre des pensées personnelles et des émotions. L'alexithymie peut être mesurée soit à l'aide d'échelles d'appréciation remplies par le soignant (hétéroévaluation) Beth Israel Questionnaire, soit à partir d'autoquestionnaire (autoévaluation) Toronto Alexithymic Scale (TAS) de Taylor, Ryan et Bagby, 1985.

De nombreuses études comparatives ont retrouvé des scores d'alexithymie plus élevés chez des patients souffrant d'affections somatiques, comparés à des sujets en bonne santé, en particulier chez des patients souffrant de douleurs chroniques, chez des patients dans des états de "stress post-traumatiques", chez des patients présentant des conduites addictives ou des troubles du comportement alimentaire. L'existence de deux formes d'alexithymie est postulée : une forme "primaire" et une forme "secondaire" de mécanisme et de signification différents. L'alexithymie « primaire » correspondrait à un "trait" de personnalité soit déterminé génétiquement, soit redevable aux relations affectives précoces ayant marqué le développement de l'individu. L'alexithymie « secondaire » correspondrait à un "état" transitoire ou parfois prolongé, style défensif se mettant en place dans certaines circonstances particulières (Pedinielli, 1992), comme par exemple, lorsque l'expérience vécue dépasse les capacités habituelles d'adaptation (états de stress post-traumatiques) ou lorsque la réalité quotidienne est potentiellement une source d'angoisse déstructurante (survenue d'une maladie particulièrement douloureuse, ou handicapante, ou mettant en jeu la vie). Si l'alexithymie "primaire" relèverait d'une insuffisance ou d'une fragilité du système de défenses psychiques de l'individu, l'alexithymie "secondaire" témoignerait elle, d'une modalité d'adaptation (ou coping), sorte de "moindre mal" pour faire face à une situation éprouvante, cette conception se rapproche de la répression émotionnelle (Luminet, 2002).

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