Vers une complémentarité et un dialogue entre les disciplines concourantes à la santé publique. Conditions pour une collaboration interdisciplinaire fructueuse
À l'instar de la sociologie, se sont développés de nouveaux thèmes d'étude en anthropologie de la santé, de la maladie et de la médecine au cours du temps. Cette évolution est liée à l'apparition de problèmes nouveaux, de nouvelles maladies mais aussi à la récurrence de certains problèmes de santé. Par exemple l'apparition de formes de mal-être liées à la précarité sociale que la médecine ne sait pas appréhender, les inégalités sociales face à la santé (carences de soins pour certains groupes dans une société globalement sur-soignée), le développement des maladies chroniques et des maladies neuro-dégénératives (ex. maladie d'Alzheimer et troubles apparentées) qui conduisent à s'intéresser à l'influence de leurs représentations sur leur prise en charge médicale et thérapeutique et sur leur évolution.
Au cours de ces dernières décennies, l'évolution spectaculaire de l'anthropologie de la santé, s'accompagne de la nécessité, pour cette discipline, de composer avec des contributions d'autres disciplines des sciences sociales et humaines pour appréhender les dimensions sociales, politiques et culturelles de la santé et de la maladie.
Discipline dédiée à l'analyse des savoirs, des attentes et des besoins des populations en matière de santé, l'anthropologie médicale s'est dotée, selon une perspective culturaliste, d'outils conceptuels adaptés à ses objets spécifiques (ex. réseaux sémantiques, modèles explicatifs de la maladie, trajectoires de soins, pluralisme médical, savoirs populaires).
Ainsi, comme le souligne Massé (2010), pour que l'anthropologie de la santé maintienne sa crédibilité comme "science sociale", ses outils conceptuels et sa maîtrise des méthodologies qualitatives et quantitatives doit évoluer sans exclure l'indispensable réflexion critique sur les politiques de santé, « pour une phénoménologie de la souffrance » (Massé, 2010).
Fondamental :
Sans doute est-il utile de rappeler ici les trois conditions susceptibles de contribuer à gagner le "pari sur le virage anthropologique de la santé publique" (Bibeau, 1995), plus précisément :
permettre le dialogue entre les théories sociales, géographiques et économiques, les changements individuels et la santé des populations et de susciter, sur cette base, la réflexion et les échanges interdisciplinaires ;
faciliter la circulation et la diffusion de travaux de synthèse sur les différentes théories utilisées pour identifier les mécanismes sociaux de la production de la santé ;
favoriser la réalisation de travaux méthodologiques et l'opérationnalisation des concepts utiles dans la prise en compte et la mesure des caractéristiques des environnements et la distribution des états de santé.