B. Le droit au secret
La relation de soin est une relation interpersonnelle qui relève de la vie privée du patient. L'article 9 du code civil rappelle que "chacun a droit au respect de sa vie privée", celle-ci étant notamment protégée par le Droit pénal. Ainsi, les personnes qui sont astreintes au secret professionnel et qui le violent, encourent une peine d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende, conformément à l'article 226-13 du Code pénal.
Il est évident que les professionnels de santé, quels qu'ils soient, sont astreints au secret professionnel comme l'expose l'article 226-13 du Code pénal en visant les informations acquises à l'occasion ou dans l'exercice de la profession - médicale ou pas -, et comme le rappelle spécifiquement l'article L. 1110-4 du CSP : "toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations le concernant".
Le rôle du secret professionnel est d'empêcher la diffusion d'informations à caractère privé. Le professionnel a donc une obligation de silence vis-à-vis des tiers, qu'il s'agit de la famille du patient, de la police ou de la justice. Cependant, le principe du secret professionnel n'est pas absolu et il connaît des exceptions, certaines étant facultatives et d'autres obligatoires.
1) Dérogations facultatives
Le Code pénal autorise le professionnel de santé à divulguer des informations et donc à violer le secret professionnel dans trois articles du Code pénal :
l'article 226-14 - en présence de privations ou de sévices à un mineur ou à une personne qui n'est pas en état de se défendre ; et en présence d'une personne qui consulte un professionnel de santé dont il sait qu'il détient une arme ou qu'il a l'intention d'en acquérir une. Ces deux cas permettent, mais n'obligent pas, le professionnel de santé à révéler ces faits aux autorités judiciaires, médicales ou administratives.
l'article 434-1 - la dénonciation de crime ; le dernier alinéa de cet article prévoit que cela ne s'applique pas aux personnes tenues au secret professionnel, lesquelles sont libres de dénoncer ou pas ces faits.
l'article 434-3 - la dénonciation de privations, mauvais traitements ou d'atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans3[1]; comme précédemment le dernier aliéna exclu de cette obligation les personnes tenues au secret professionnel.
Ces trois exemples caractérisent une hypothèse d'option de conscience : la loi a choisi un système de balance avec deux plateaux (le secret professionnel d'un côté et la protection d'autrui de l'autre) et c'est la conscience du professionnel qui va trancher. Le professionnel peut donc se taire (sans poursuites possibles) ou parler (également sans poursuites). La loi le laisse seul juge de son choix.
2) Dérogations obligatoires
Il existe cependant un cas de dérogation obligatoire où le secret doit céder devant un impératif supérieur : c'est l'hypothèse d'une personne en péril (Art. 223-6 Code pénal). Le péril doit être différencié du danger, lequel est un risque incertain dans son opportunité et son intensité ; alors que le péril est un risque certain, grave et imminent (risque de mort ou de mutilation définitive). Devant un péril, il n'y a plus de discussion possible, la révélation est obligatoire, le secours à la personne prime alors sur le secret.
Il convient enfin d'évoquer la question du secret partagé dans le domaine de la santé, notion qui a été affirmée avec la loi du 4 mars 2002 (http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000227015). Désormais l'article L 1110-4 CSP permet de partager le secret sous couvert de la réunion de trois conditions cumulatives :
entre deux ou plusieurs professionnels de santé,
ne sont partageables que les informations utiles pour la prise en charge du patient, à savoir "pour améliorer les soins ou permettre la continuité",
sauf opposition de la personne concernée dûment avertie du partage envisagé des informations.
3) Dérogation en matière de santé publique
Certaines dispositions légales obligent les médecins, pour des considérations de santé publique à violer le secret professionnel pour informer les institutions publiques sur certains faits ou certaines pathologies.
Ainsi, l'article 55-6 du Code civil dispose que "la naissance de l'enfant sera déclarée par le père, ou, à défaut du père, par les docteurs en médecine ou en chirurgie, sages-femmes, officiers de santé ou autres personnes qui auront assisté à l'accouchement". La loi vise ainsi les professionnels de santé au rang des personnes qui sont tenus de déclarer les naissances afin d'assurer la bonne tenue des fichiers de l'état civil, et ce nonobstant le secret professionnel auquel ils sont tenus. Il en sera de même en cas de décès, l'article 78 du Code civil visant que toute "personne possédant sur son état civil les renseignements les plus exacts et les plus complets qu'il sera possible" doit déclarer le décès à l'officier d'état civil.
Dans le cadre de la lutte contre les épidémies ou les fléaux sociaux, le médecin est tenu à diverses déclarations ou transmissions obligatoires. Ainsi, les maladies qui justifient une intervention urgente locale, nationale ou internationale font en outre l'objet d'une procédure de signalement. Cela sera le cas, par exemple, des maladies contagieuses avec l'article D. 3113-6 CSP. La procédure de transmission des données est prévue à l'article R. 3113-3 CSP qui prévoit que le déclarant transmet la fiche, soit par voie postale sous pli confidentiel portant la mention : "secret médical", soit par télétransmission après chiffrement des données, au médecin de l'agence régionale de santé désigné par le directeur général de l'agence qui la transmet à son tour, dans les mêmes conditions de confidentialité, au médecin de l'Institut de veille sanitaire désigné par son directeur général.
Les registres du cancer répertorient, sur un territoire donné, à partir de toutes les sources médicales disponibles, tous les cas de cette maladie.
La déclaration nominative aux registres, régulièrement habilités, est autorisée par la loi et le secret professionnel n'y fait plus obstacle depuis 1994.
Les responsables des registres sont tenus d'informer le médecin traitant de leur intention d'enregistrer le patient, et de s'assurer de sa collaboration.
C'est au médecin traitant, généraliste ou spécialiste, ainsi sollicité, qu'il revient d'informer le patient de son inscription sur un registre "au moment qu'il juge le plus opportun et en conscience" ; la possibilité qui lui est donnée de ne pas l'informer "pour des raisons humanitaires" doit être l'exception et non la règle.
Les médecins responsables du diagnostic qui ne sont pas en contact direct avec le malade peuvent communiquer leurs données nominativement, le devoir d'information ne leur incombe pas.